Du 8 au 10 avril 2024, nous avons mené un sauvetage aussi éprouvant qu’exceptionnel.
L’ESAM est contactée le lundi 8 avril vers 13h pour secourir deux chiens coincés vers Remollon, au sud de Gap. Le chien et la chienne, Popeye et Nika de leurs petits noms, habitués à explorer le verger de leurs maîtres, se sont aventurés dans les grandes falaises surplombant la vallée, où ils sont coincés depuis deux jours. Avec une tempête prévue pour le lendemain, le temps presse.
L’alerte est lancée et le secours s’organise. Le seul moyen d’atteindre les chiens avant la nuit, coincés à mi-hauteur d’une falaise à plusieurs heures de route, est l’hélicoptère. Cinq secouristes, Arnaud, Antoine, Gaël, Pascal et Maxime, se tiennent disponibles. À 15h, Hélicoptères de France et les requérants donnent leurs feux verts. À 16h30, l’équipe est réunie au Versoud et le matériel est chargé dans le pick-up. Deux heures de route nous attendent jusqu'à Remollon, durant lesquelles nous peaufinons notre plan qui consiste en une reconnaissance en hélicoptère, suivi d’une dépose près des chiens pour tenter le secours puis évacuer par hélico avant la tombée de la nuit.
Vu l’heure tardive, ce plan est très ambitieux. C’est pourquoi nous préparons également le matériel afin de descendre de nuit, sans hélicoptère et en rappel. Arrivés à Remollon, nous rencontrons brièvement les propriétaires, qui nous confirment l’emplacement de Popeye et Nika. Une zone de dépose à l’aplomb des chiens est identifiée, et l’hélicoptère décolle avec Pascal, Antoine et Maxime à bord, pendant qu’Arnaud et Gaël supervisent depuis le bas.
Pour Pascal et Maxime, c'est la première fois en hélicoptère, ça décoiffe cette machine !
Après une rapide reconnaissance aérienne, nous confirmons la localisation des chiens et décidons de tenter le secours malgré la nuit approchant. Le pilote réalise une manœuvre précise pour nous déposer sur une petite plateforme, pas très large mais confortable, à environ 50 mètres au-dessus d’eux. La priorité est de nous sécuriser avec des ancrages fiables pour descendre en rappel. Maxime descend le premier, mais se retrouve en bout de corde à 4 mètres des chiens.
Petit point de Maxime au milieu de la descente pour accéder au chien.
À la nuit tombante, Pascal rejoint Maxime avec une seconde corde pour atteindre la vire où se trouvent Popeye et Nika. Le contact est très compliqué : les chiens, sans colliers, sont apeurés et montrent leurs crocs. Dans ce terrain vertigineux, le calme et la patience sont de mise pour éviter une chute fatale d’un des chiens. Grâce au talent de diplomate de Pascal et à l’odeur familière du bonnet de son maître, Popeye finit par se calmer.
Pascal aux négociations, et c'est pas gagné d'avance cette histoire.
Une fois sécurisé dans un baudrier, Maxime le remonte jusqu’à la drop zone laissant Pascal avec Nika. À la radio, Arnaud et Gaël nous informent que l’hélicoptère ne pourra pas revenir cette nuit, la luminosité étant insuffisante. Nous devons nous préparer à passer la nuit sur la falaise ou à descendre par nos propres moyens. Pascal essaie toujours de négocier avec Nika mais pour notre sécurité, il est décidé que si Nika n’est pas capturée avant 21h30, nous la laisserons sur place, espérant revenir la chercher après la tempête.
Malheureusement, Nika reste intraitable, refusant tout contact. Nous nous résignons donc à la laisser là, paradoxalement avec ses sanglots déchirant le silence de la nuit et nos cœurs sensibles. L’équipe est de nouveau réunie à la drop zone peu après 22h30 avec Popeye pour une pause bien méritée et décider du programme de la soirée. Le choix est fait de ne pas attendre l’hélicoptère à cause de la tempête. Il est donc décidé d’entamer une descente en rappel par l’itinéraire repéré lors de la reconnaissance en hélicoptère.
Il n'y avait pas que le chien qui était fatigué à ce moment là. Nous ne le savions pas encore mais c'était Popeye que nous avions secouru et non Nika.
Les grandes manœuvres commencent vers 23h15, Maxime part en éclaireur pour sécuriser un chemin de rappel, pendant que Pascal et Antoine préparent Popeye et récupèrent le matériel. Maxime finit par trouver un grand genévrier dominant une dernière paroi rocheuse d’une 50 aine de mètres. Cependant, la quantité de corde restante n’est pas suffisante pour rejoindre le sol. Il faut donc attendre l’arrivée d’Antoine et Pascal vers 2h40, très chargés avec des cordes, du matériel et Popeye, pour équiper ce dernier impressionnant rappel.
L'équipe au sol et les requérants avec l'éclairage, ça aussi c'était une sacrée mission de le monter jusque-là !
Antoine qui arrive au dernier relais avant un dernier grand rappel.
Alors que nos frontales faiblissent, Arnaud et Gaël organisent un éclairage au pied de la falaise avec des batteries de voiture et une barre de LED monté là avec l’aide des requérants. Il est 3 heures du matin quand Maxime entame le dernier rappel avec Popeye. Une fois les pieds au sol et éloignés de la paroi d’où une bonne quantité de pierre tombe régulièrement, Popeye entame de chaleureuses retrouvailles avec son maître, redonnant plein d’énergie à l’équipe.
Antoine et Pascal terminent la descente et nous entamons alors la marche de retour vers 4 heures, sous la pluie qui commence à tomber. Nous laissons donc les requérants à Remollon, avec Popeye mais inquiets pour Nika, dans l’attente du « match retour » le mercredi. Le trajet vers Grenoble, sous la tempête, ne fut pas de tout repos et nous étions plus que soulagés de ne pas être sur la falaise à ce moment-là. Après un petit-déjeuner bien mérité au Versoud, il est temps d’aller se coucher pour certains, et d’aller travailler pour d’autres…
L’après-midi même, nous apprenons que Nika a survécu à la tempête et est toujours au même endroit. Nous espérons que la faim, le froid et la pluie l’auront bien fatiguée et qu’il sera plus facile de la convaincre de venir avec nous. La joie laisse alors place à l’excitation et à l’organisation du secours du lendemain. Cette fois, l’équipe sera plus importante et composée d’Arnaud, Antoine, Antoine, Solveig, Maxime, Alex, Jean-Marc et Julien. Le secours débutera tôt dans la journée et les secouristes auront de quoi convaincre Nika : des croquettes à foison, du poisson séché dont les chiens raffolent, des friandises, et aussi des calmants si Nika se montre toujours agressive. Le plan est simple, Maxime et Antoine, qui connaissent déjà le terrain, iront négocier dans un premier temps avec Nika. Si cela ne suffit pas, Alex, un de nos vétérinaires, sera déposé à son tour en hélicoptère. Le mercredi matin, nous nous retrouvons à 7h30 au local, puis nous partons vers l’aérodrome de Tallard. Après un briefing avec le pilote, Antoine et Maxime décollent à 11h. La dépose est rapide grâce au treuil de l’hélicoptère, et la drop zone est déjà sécurisée grâce aux sangles laissées la veille. Antoine et Maxime commencent alors les rappels pour accéder à Nika.
Petites explications sur la situation après la dépose en hélicoptère.
Le contact avec Nika est établi vers 11h30 par Maxime, mais elle est toujours très agressive, voire plus que le lundi. Heureusement, l’appétit de Nika pour les friandises aide à Antoine et Maxime à s’établir à son niveau. La négociation peut alors commencer, mais Nika ne se laisse pas approcher, restant très craintive. Nous essayons de lui faire boire de l’eau avec des calmants puis attendons le temps que les substances fassent effet. Malgré deux longues heures où nous avons tout essayé pour la capturer, Nika reste agressive. Les médicaments agissant, elle commence à perdre l’équilibre et manque plusieurs fois de tomber dans le vide, il devient donc urgent de la capturer pour sa sécurité. Nous nous décidons alors à envoyer Alex, le vétérinaire, en renfort. Maxime commence à remonter sur corde pour aller l’accueillir à la drop zone, et Alex se prépare à monter dans l’hélicoptère quand soudain, Antoine s’exclame à la radio : « J’ai attrapé la chienne ! ».
Tout s’accélère alors, la priorité est maintenant de sécuriser Nika dans un baudrier. En quelques minutes, c’est chose faite et un sentiment de soulagement traverse toute l’équipe.
Ce soir, Nika dormira chez elle. Il ne reste plus qu’à descendre. Nika, bonne perdante, est adorable le reste du secours. Nous entamons alors la remontée vers la drop zone, où la récupération par l’hélicoptère se passe à merveille. Vers 16h10, Nika retrouve enfin le plancher des vaches après cinq jours perchée sur la falaise. Les retrouvailles avec son maître sont émouvantes et partagées avec l’ensemble des secouristes.
Enfin les pieds sur terre, un moment fort en émotions pour nos secouristes.
Un petit résumé de ce secours qui nous aura bien marqué.
De retour au local vers 20h, l’inventaire et le rangement du matériel marquent la fin de cette aventure extraordinaire et hors normes pour les secouristes. C’est un soulagement de savoir que Nika et Popeye sont sains et saufs. Ce sauvetage, marqué par la patience et la détermination, restera gravé dans nos mémoires.
Maxime
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